Le FSL 21 en 2005

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FSL du samedi 02 avril 2005

Séance plénière

Enjeux de la galaxie altermondialiste, du monde à la Côte d'Or

Par Philippe CORCUFF

Maître de conférence de science politique à l'Institut d'études Politiques de Lyon
Membre du Conseil Scientifique d'ATTAC
Auteur notamment de : La société de verre - Pour une éthique de la fragilité (Armand Colin, 2002) et de Prises de tête pour un autre monde (Textuel, 2004)

Nous participons aujourd'hui à un Forum Social Local : forums sociaux mondiaux, forums sociaux européens, forums sociaux locaux ... ce sont des moments de débats et de propositions qui alimentent la galaxie du mouvement altermondialiste. Or la galaxie altermondialiste constitue peut-être le creuset d'un mouvement d'émancipation rénové pour le XXIe siècle, au carrefour de traditions émancipatrices anciennes et de nouvelles formes naissantes. Afin d'ouvrir cette séance plénière, je vais tenter de poser quelques problèmes en jeu dans cette galaxie émancipatrice balbutiante, avant de passer aux propositions et aux idées principales qui ont émergé des ateliers. Les problèmes que je vais identifier constituent des enjeux pour la galaxie altermondialiste. Il s'agit de la question de la culture expérimentale, de la question des rapports local-national-européen-mondial et de la question de la place de l'individualité.

La réinvention de la culture expérimentale

La culture de la gauche au XXe siècle a peu à peu privilégié deux dimensions de l'action : l'action revendicative (des demandes d'améliorations adressées à des dominants, économiques ou étatiques, appuyées sur des rapports de force) et la prise du pouvoir comme moyen central de sauts qualitatifs dans l'amélioration de la situation ; les deux s'inscrivant souvent dans une mystique du "Grand Soir". Le mouvement socialiste français prenait pourtant appui au début du XXe siècle sur un trépied ; un pied ayant été peu à peu abandonné. Jean Jaurès (1859-1914) définissait ainsi le socialisme comme basé sur le syndicalisme, l'action parlementaire et les coopératives. La dimension expérimentale incluse dans le mouvement coopératif a ainsi été peu à peu marginalisée. Pourtant le mouvement coopératif s'efforçait de commencer, ici et maintenant, à inventer d'autres formes de vie et de travail, à côté des luttes pour obtenir des améliorations, sans attendre que des "partis-amis" prennent le pouvoir, ni qu'un miraculeux "Grand soir" ne nous délivre de l'oppression. La part expérimentale de l'action émancipatrice suppose une certaine vision de l'action humaine, qui abandonne les idées de Certitude, de Pureté, d'Absolu, de Maîtrise toute-puissante, pour assumer les fragilités et les faiblesses de la condition humaine, en intégrant une composante d'incertitude. Elle pousse à rééquilibrer la politique du côté des valeurs socialement constituées comme "féminines" (associées à la fragilité) par rapport aux valeurs socialement constituées comme "masculines" (associées à la force) dans nos sociétés encore patriarcales.

Dans cette perspective, bâtir une autre société, radicalement différente, supposerait aussi de faire des expériences, d'explorer des impasses, de s'inscrire dans un processus infini d'essais, d'erreurs et de rectifications. Or le mouvement altermondialiste intègre dans sa diversité des dimensions expérimentales : ONG, économie sociale et solidaire, expériences de démocratie participative, formes d'agriculture écologique, etc. On verra, à la fin de cette introduction, avec les résultats principaux des ateliers de ce FSL, que la galaxie altermondialiste locale a bien une dimension propositionnelle et expérimentale. C'est particulièrement le cas des propositions précises qui ont émergé des ateliers "énergie" et "Sécurité-souveraineté alimentaire". Mais les débats de l'atelier "Croissance/décroissance" ont aussi tourné autour de la place à accorder aux initiatives locales alternatives. Bref la galaxie altermondialiste n'est pas seulement "contre", mais aussi "pour", et elle n'est pas seulement "pour" de grandes transformations plus ou moins lointaines, mais aussi "pour" des réformes immédiates, allant à l'encontre des contre-réformes néolibérales.

Pourquoi ne pas tenter de réinventer la mise en tension de quatre piliers: 1e) le revendicatif, 2e) l'expérimental, 3e) la transformation et la gestion des institutions publiques, et 4e) l'utopie anticapitaliste, comme horizon qui nous arrache aux évidences de l'ordre social existant ? Il s'agirait alors d'incorporer dans notre patrimoine intellectuel le pragmatisme philosophique et politique d'un philosophe comme l'Américain John Dewey (1859-1952 ; voir Le public et ses problèmes, 1e éd. 1927, traduction française Farrago/éditions Léo Scheer/Publications de l'Université de Pau, 2003). Chez Dewey, un idéal constitue une hypothèse à tester dans une expérimentation ; les effets de cette expérience devant être évalués, puis rectifiés par de nouveaux essais, et cela sans fin. Un idéal ne serait pas un absolu destiné à être appliqué coûte que coûte. Les idéaux doivent être traités, écrit Dewey, "comme des hypothèses de travail, non comme des programmes auxquels il faudrait adhérer et qu'il faudrait exécuter de façon rigide". D'où l'importance à ce "qu'elles soient sujettes à une observation constante et bien outillée des conséquences qu'elles produisent" (en donnant une place à l'enquête et à l'évaluation) et "à une révision prompte et flexible à la lumière des conséquences observées" (des rectifications en fonction de l'évaluation). Mais la connaissance n'élimine pas pour autant toute incertitude, car "ce qui est encore à faire implique la prévision d'un futur encore contingent et ne peut donc échapper au risque". La quête illusoire du définitif est ainsi abandonnée au profit de la recherche, toujours inaboutie, du mieux. Dès maintenant, n'aspirons nous pas à explorer patiemment d'autres vies à la mesure de nos fragilités et de nos incertitudes ? Car nous nous savons fabriqués par nos erreurs autant que par nos bien relatifs succès. "Dérision de nous dérisoires", chante Alain Souchon dans Foule sentimentale.

Cette réinvention ne ferait pas table rase du passé, mais s'appuierait sur une part de nos traditions, passées au filtre de la critique tout en innovant. Cela tenterait de réassocier des éléments souvent pensés séparément mais qui devraient garder une logique autonome : l'action collective pour transformer les structures sociales qui nous conditionnent et l'action individuelle pour se changer soi-même ; ou encore l'action des mouvements sociaux pour revendiquer, l'action expérimentatrice pour explorer de nouvelles formes de vie et l'action partisane pour transformer les institutions. Il faudrait à la fois préserver l'autonomie de chaque pôle, tout en les mettant en relation.

De nouveaux rapports entre le local, le national, l'européen et le mondial

Avec ses forums sociaux mondiaux, européens et locaux, la galaxie altermondialiste esquisse une articulation nouvelle entre différents niveaux d'action. Le mouvement écologiste a été un des premiers qui nous a poussés à penser global et à agir localement. Le mouvement néo-zapatiste symbolisé par les sous-commandant Marcos au Chiapas au Mexique a aussi été pionnier dans ce domaine : il a mis en relation l'organisation de communautés indigènes locales, l'état-nation mexicain et la lutte intergalactique de l'humanité contre le néolibéralisme. La galaxie altermondialiste, dans ce double sillage, peut s'impliquer dans des luttes locales pour sauvegarder des services publics, s'attacher à défendre les acquis de l'état social inscrits inégalement dans les différents états-nations (comme l'a avancé l'atelier "Emploi - chômage - précarité" dans le cadre de ce FSL), proposer des réformes du contenu de l'Europe et avoir des propositions mondiales comme la taxe Tobin ou l'annulation de la dette des pays du Sud. Les propositions émergeant dans les forums sociaux locaux doivent pouvoir aussi se situer à ces différents niveaux. Un nouveau mot d'ordre possible pourrait alors être : "Agir localement, penser globalement/agir globalement, penser localement".

"Agir localement, penser globalement" constitue une inversion du mot d'ordre initial des écologistes ("Penser globalement, agir localement"), mettant l'accent sur la pratique, parce que l'altermondialisme se nourrit de l'action localisée, de l'intervention de proximité, de ce que le syndicalisme libertaire appelait aux débuts du XXe siècle "l'action directe". Et les associations de quartier, de protection de l'environnement ou anti-racistes, les ONG humanitaires, les groupes de chômeurs, de sans logis ou de sans papiers, les sections syndicales d'entreprise ou les unions locales syndicales, les comités ATTAC, les expérimentations alternatives, etc. constituent des lieux d'apprentissage pratique et intellectuel essentiels dans la reconstitution de réseaux militants. Mais pour ne pas se perdre dans le localisme et l'émiettement, l'action locale doit pouvoir prendre sens par rapport à une boussole intellectuelle globalisante (le "penser globalement").

"Agir globalement, penser localement", parce que la pensée globale ne suffit pas à la globalisation et qu'il existe une exigence de convergence et de coordination des luttes et des expériences locales à l'échelle internationale. Cette globalisation de l'action ne peut sans doute plus se dire avec l'ancien vocabulaire de "l'unité" et de "l'unification" qui tendait à écraser les différences. Le vocabulaire des "convergences" et de "la coordination" peut mieux faire vivre la globalisation de l'action, en respectant la diversité de la galaxie altermondialiste. Mais cette globalisation dans l'action ne doit pas nous conduire à passer avec le bulldozer d'une pensée trop généraliste et abstraite sur la variété des situations locales, de leurs rythmes temporels spécifiques et de leurs logiques propres. Car pour tenter de mener à bien un travail de coordination de sites multiples de lutte et d'expérimentation, il faut aussi être attentif à leurs différences et à leurs spécificités (il faut donc aussi continuer à "penser localement"). Pluralité et autonomie, d'une part, et convergences et coordination, d'autre part, doivent donc pouvoir être tenues ensemble.

De nouvelles relations entre le collectif et l'individuel

Le néolibéralisme tend à casser les solidarités collectives et les services publics au nom d'un certain type d'individualisme. L'individualisme du néolibéralisme, c'est un individualisme marchand, c'est celui de la marchandisation du monde et des être humains. La galaxie altermondialiste est alors tentée de résister au néolibéralisme, en combattant toute individualisation, au nom du seul niveau collectif. Pourtant une partie un peu oubliée du patrimoine du mouvement ouvrier et de la pensée critique a aussi mis en évidence l'axe émancipateur de l'individualité, dans la continuité de la Révolution française. On trouve chez Proudhon, Bakounine ou Pelloutier, pour la tradition libertaire, mais aussi chez Marx (plus individualiste que les lectures "collectivistes" ne l'ont fait croire), une critique du capitalisme (mais aussi de l'étatisme) au nom de l'individualité, mais une individualité créatrice contre l'individualisme marchand. C'est quelque chose d'encore plus important dans le cadre de nos sociétés contemporaines devenues plus individualistes. Car ce serait suicidaire de ne pas s'adresser aux "individus réels" de nos sociétés, tels qu'ils sont davantage individualisés, en ayant la nostalgie d'"individus imaginaires" associés à hier.

Les sociétés occidentales ont ainsi connu un long processus d'individualisation depuis la Renaissance notamment. Cette individualisation s'est accélérée et a pris des formes nouvelles depuis les années 1960, d'abord aux états-Unis, puis dans les sociétés européennes, en touchant aussi de façon contrastée les sociétés du Sud. Cet individualisme contemporain est le produit d'une pluralité de logiques sociales en interaction : logique économique de l'individualisme marchand approfondie par le néolibéralisme et le management néocapitaliste ces dernières années, logique politique de l'individualisme démocratique (c'est-à-dire associé à la reconnaissance de droits attachés aux citoyens), dynamique juridique des droits individuels, développement d'une intimité personnelle, émancipation partielle des femmes et reconnaissance de droits pour les enfants contribuant à transformer le modèle traditionnel de la famille patriarcale, etc. Cet individualisme contemporain se révèle ambivalent et contradictoire du point de vue de ses effets, à la fois émancipateur, par certains côtés, et oppresseur, par d'autres côtés. D'une part, il révèle des aspects régressifs : affaiblissement du lien social et des formes collectives, progression de la solitude, nouvelle pathologies narcissiques (ce que j'appelle les "tyrannies du je"), notamment. D'autre part, il révèle des aspects émancipateurs : élargissement des marges d'autonomie des individus dans la vie quotidienne, développement d'une intimité personnelle, libération partielle des anciennes "tyrannies du nous" (famille patriarcale, normes religieuses et morales traditionnelles, etc.). Il constitue alors un défi pour un mouvement émancipateur comme la galaxie altermondialiste à un triple niveau :

a) dans le combat contre l'individualisme néolibéral (dans les nouveaux dispositifs d'entreprise comme dans l'univers de la consommation ou du rapport à la culture) ;

b) parce que l'individualisation affecte les nouvelles formes d'engagement (comme celles à l'oeuvre dans la galaxie altermondialiste) ; on observe bien que les formes d'engagement sont plus ponctuels, moins exclusifs, permanents et soutenus qu'avant ; ce qui oblige à innover du côté des modes de militantisme; ce qu'a pointé l'atelier "Associations dans la ville" de ce FSL ;

et c) parce que c'est aussi pour promouvoir l'individualité, mais une individualité sociale (fabriquée dans et par des relations sociales, et donc enrichie par les rapports avec les autres, et non pas menacée par les autres), que doivent être mis en cause le néolibéralisme. De ce point de vue, un effort particulier doit être fait pour que la critique radicale de l'ordre établi ne s'énonce pas uniquement au nom des solidarités collectives défaites (ce qui est juste, mais insuffisant), mais également au nom d'une singularité individuelle écrasée par l'hégémonie de la mesure marchande des activités humaines, qui entrave le développement de ses capacités créatrices. L'individu ne doit pas être laissé au néolibéralisme. L'émancipation dont nous nous efforçons de retrouver le chemin est indissociablement collective et individuelle.

Propositions des ateliers du FSL 21

Après avoir passé en revue certains enjeux de la galaxie altermondialiste, il nous faut, pour alimenter notre débat, rappeler les propositions et les idées principales qui ont émergé des ateliers qui se sont tenus ce matin et cet après-midi.

1- Atelier Environnement - énergie

Cet atelier propose de réaliser une thermographie sur la ville de Dijon, en vue d'évaluer les déperditions d'énergie sur les différents bâtiments de la cité. Un groupe de travail va se constituer autour de ce projet. On a ici un prototype de ce qui peut émerger de concret au sein de la nouvelle culture expérimentale de la galaxie altermondialiste.

2- Atelier éducation

Deux axes principaux ont émergé des débats de cet atelier :
* Y a-t-il une cohérence de l'offensive néolibérale sur l'école à l'échelle internationale ? Ou y a-t-il des espaces de résistance dans les institutions nationales telles qu'elles existent ?
* Quelle évaluation du rôle du patronat dans la définition des qualifications professionnelles dans les lycées professionnels comme dans la formation continue ?

3- Atelier Croissance/décroissance

Les débats de cet atelier se sont centrés sur deux dimensions ayant trait aux modalités de transformation de la société :
* Il ne faudrait pas dévaloriser les initiatives locales alternatives (comme les SEL - Systèmes d'Echange Locaux -, les AMAP - Associations pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne -, les coopératives, etc.), tout en ayant conscience de leurs effets limités. On est ici au coeur des apports et des limites de la culture expérimentale au sein de la galaxie altermondialiste.
* Le thème de "la décroissance" permet de poser de bonnes questions, mais qu'en est-il : a) des pays du Sud, par rapport à la satisfaction de besoins primaires, et b) de la pérennité des emplois dans nos pays ?

4- Atelier Sécurité-souveraineté alimentaires

L'atelier a attiré l'attention sur la nécessaire distinction entre "la sécurité alimentaire" (relevant des producteurs) et "la souveraineté alimentaire" (relevant des états). A été aussi critiquée la nouvelle Politique Agricole Commune (européenne), en ce qu'elle continue à favoriser une agriculture productiviste, en ne mettant pas en cause la concentration des exploitations tout en favorisant une production excédentaire posant des problèmes aux pays du Sud. Une telle critique débouche sur des propositions structurelles de réappropriation de la PAC, vers un principe de souveraineté alimentaire, appelant des changements des comportements individuels et collectifs, un développement du commerce équitable (dont les structures sont sous-développées en France par rapport au reste de l'Europe), la promotion de circuits courts de diffusion, etc. Au niveau local, deux AMAP sont en cours de création dans l'agglomération dijonnaise. Cela participe de la culture expérimentale dont j'ai parlé précédemment.

5- Atelier Femmes

Deux axes ont retenu l'attention de cet atelier :
* Donner aux femmes la possibilité et l'ambition de choisir leur vie, leur maternité, leur sexualité, etc.
* Le combat quotidien contre les stéréotypes restreignant le choix des individus.
Les deux points posent des problèmes d'éducation. Et tous les deux visent des conditions collectives permettant à l'individualité de chaque femme de se déployer, contre le poids des structures et des mentalités patriarcales.

6- Atelier Associations dans la ville

Deux grandes interrogations ont occupé l'atelier :
* les difficultés de l'engagement aujourd'hui (les différences en fonction des générations, le caractère plus ponctuel et moins permanent de l'engagement, etc.) ; qui renvoient à l'invention de formes de militantisme mieux adaptés aux "individus individualisés" contemporains ;
* à quelles conditions un autre monde est-il possible ? Vaste question trans-ateliers !

7- Atelier Paix

Les débats ont insisté sur la critique des mots (et de leurs tonalités "guerrières"), ainsi que sur l'importance de la construction et de la diffusion d'une véritable "culture de paix".

8- Atelier Emploi-chômage-précarité

Deux secteurs ont été privilégiés : le logement et la santé. Sur le plan du logement, des pistes ont été formulées : régulation publique du secteur privé, recours à la réquisition quand les règles ne sont pas respectées, utilisation du parc de logements sociaux (par son développement et une gestion différente sur critères sociaux plutôt que financiers), etc. En ce qui concerne la santé, elle devrait être envisagée de manière globale, et pas seulement sous un angle médical. Au niveau général de l'emploi, le retour à une politique d'emploi pour ceux qui en ont été exclus a été fermement défendu, dans une logique de solidarité par l'employabilité.

Conclusion

Les ateliers de ce FSL 21 ont donc commencé à s'inscrire dans une démarche exploratrice. Or l'exploration a à voir avec les valeurs socialement considérées comme "féminines", jusque-là dominées dans nos sociétés patriarcales et dont j'ai parlées précédemment. La métaphore de la caresse, mise en valeur dans un beau texte du philosophe Emmanuel Lévinas (1906-1995), souligne bien cette dimension de l'exploration :
"Cette recherche de la caresse en constitue l'essence par le fait que la caresse ne sait pas ce qu'elle cherche. Ce "ne pas savoir", ce désordonné fondamental en est l'essentiel. Elle est comme un jeu avec quelque chose qui se dérobe, et un jeu absolument sans projet ni plan, non pas avec ce qui peut devenir nôtre et nous, mais avec quelque chose d'autre, toujours autre, toujours inaccessible, toujours à venir (...) Peut-on caractériser ce rapport avec l'autre par l'Eros comme un échec ? Encore une fois, oui, si l'on adopte la terminologie des descriptions courantes, si l'on veut caractériser l'érotique par le "saisir", le "posséder", ou le "connaître". Il n'y a rien de tout cela ou échec de tout cela, dans l'eros. Si on pouvait posséder, saisir et connaître l'autre, il ne serait pas l'autre."
Emmanuel Lévinas (Le temps et l'autre, 1948, réédition PUF, 1989)

 

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