Le FSL 21 en 2006

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FSL du samedi 20 mai 2006

Atelier Egalité des droits, lutte contre les discriminations

Les émeutes de novembre 2005 ont été un révélateur de la situation des banlieues, de l'exclusion sociale, du chômage, de l'échec scolaire, des discriminations, subis par les habitants de ces quartiers.

Intervention de M. Mustapha Kharmoudi, travailleur social, chargé de mission auprès de la mairie de Besançon, en particulier dans le domaine de la lutte conre les discriminations.

Un peu d'histoire :

On a l'impression que la société française est dans une impasse et que l'intégration des immigrés est en panne. Le FN a mis au centre la question de l'immigration, ce qui empoisonne tout débat public. On s'imagine que l'intégration se faisait progressivement auparavant, et que maintenant il y a moins d'intégration : exemple du voile qui disparaissait dès le collège autrefois, on a presque le cheminement inverse, il apparaît maintenant à l'adolescence.
La France était le premier pays d'immigration (par habitant) au début du XX° siècle. Etait-ce plus facile d'intégrer les Européens ? Non, tous les historiens (et Cavana !) le disent. Un enfant d'immigré italien se faisait traiter quotidiennement de rital et se battait à l'école. Se reporter aussi au lynchage d'Aigues-Mortes à la fin du XIX°. Suite à cela, il n'y eut pas une seule manifestation pour le dénoncer, alors que la France d'alors manifestait davantage qu'aujourd'hui, et que le peuple avait une grande conscience politique et était capable aussi d'une grande solidarité. Il y eut également de nombreuses expulsions de Polonais.
Finalement, le sentiment est faussé, on embellit le passé.

Le modèle d'intégration à la française :

Les émeutes d'avant 2005, que l'on pourrait qualifier de "partielles", étaient choquantes pour nous, mais les Anglais et les Américains ne trouvent pas cela anormal. Notre modèle est basé sur l'individu qui doit se détacher, se libérer de ses appartenances pour devenir citoyen, appartenances qui sont autant d'obstacles : religion, famille, ethnie ... Le Français n'est pas "ethniquement visible". La nation se définit par un vouloir-vivre en commun. Cela rejoint la logique du droit du sol (par opposition au droit du sang).
Du coup, celui qui manifeste une appartenance clanique va être suspecté. Tout ce qui est intermédiaire éloigne l'individu de l'appartenance nationale. Dire "je suis Corse" revient à dire "je ne suis pas Français". Le régionalisme a été accepté tardivement en France.
Le modèle anglo-saxon privilégie l'intermédiaire, et tous les intermédiaire se valent. On respecte un Pakistanais d'abord en tant que Pakistanais, avant de le considérer en tant que citoyen. Et on les laisse gérer tout un quartier selon leurs traditions.
Le modèle français, c'est assimiler ou exclure. Et c'est avec ce regard que nous considérons la situation, ce modèle nous fournit des outils pour analyser les discriminations.

Les quartiers populaires dans les années 70 :

Ils étaient habités par des ouvriers et des travailleurs des classes moyennes, d'où une culture populaire hégémonique, du lien social concret, de l'entraide mutuelle (selon les descriptions des sociologues et démographes). C'était aussi la même chose dans les centres-villes. Puis ces derniers ont été rénovés, et les pauvres envoyés ailleurs (sauf cas particulier de Marseille).
A la fin des années 70 ont lieu des changements, un phénomène social lié à l'idée de Giscard voulant favoriser l'accès à la propriété (l'objectif étant qu'elle soit possible pour les deux tiers des Français) ; des prêts attractifs sont accordés, et on a un départ massif vers l'habitat pavillonnaire.
Parallèlement, les immigrés quittent les foyers et demandent le regroupement familial : ils viennent alors s'installer dans ces quartiers. Le problème des Français qui y sont restés est qu'ils ont des moyens très faibles (les "poor white"), ils sont en fait restés contre leur gré. Les couches moyennes, qui sont parties, étaient composées de militants, d'enseignants, de syndicalistes qui tous contribuaient à l'éducation populaire. On a donc un "blocage" de ces poor white vis-à-vis des immigrés, qui ne parviennent pas à remplacer les anciens voisins/amis.
Dans les banlieues se retrouvent de forts pourcentages de RMIstes, de chômeurs, de familles monoparentales, il y a aussi davantage de jeunes que dans l'ensemble de la population. A l'intérieur d'un quartier, il y a des sortes de sous-quartiers, plus riches ou plus défavorisés, on retrouve une ségrégation spatiale.
Exemple du Val fourré à Mantes-la-jolie dans les années 90 : ce quartier comportait plus de 20 000 habitants, il n'y avait pas un centre social, pas une MJC, pas un café, pas une pharmacie, pas de médecin, pas de commissariat, pas de CAF ni de PMI, pas de bus. Seule : une école primaire ...

Les émeutes de 2005 :

Elles ont concerné entre 300 et 500 cités en tout (selon les modes de mesures). Dans ces cités, le chômage se monte à 40 %, voire 50 %, l'échec scolaire est élevé ... De nombreux jeunes se sentent rejetés, ce qui explique leur rage contre l'école aussi. Il y a une responsabilité du modèle républicain qui privilégie le mérite (dans le départ de ces quartiers de ceux «qui s'en sortent»). Les discriminations à l'embauche (à diplôme égal) ont augmenté massivement depuis 10 ans, brusquement. Idem pour les stages de bacs pros, de BTS ... L'ancien message "si tu réussis à l'école, tu t'en sors et on ne voit pus tes origines" ne passe plus du tout. Regarder les cadres dans les mairies : aucun n'est issu de l'immigration, même quand le maire lui-même déplore cette situation. Les discriminations au logement sont aussi flagrantes ; les personnes discriminantes ont parfois intégré complètement la discrimination, elles n'y réfléchissent pas.
De très nombreux jeunes ne se sentent pas Français.

Débat :

Les HLM sont quand même un progrès par rapport aux bidonvilles qu'on a connus après guerre, à Aubervilliers, Nanterre, Massy ... ! En 1961, les défilés d'Algériens étaient insupportables pour beaucoup, ce qui fait que les événements d'octobre n'ont pas soulevé de protestations ...

Evocation de la nomination d'un "préfet musulman".
La question de l'immigration sera instrumentalisée dans les prochaines campagnes électorales, et on sent un ferment de racisme qui monte. La réponse du gouvernement actuel est le communautarisme. Notre passé esclavagiste et colonialiste n'a pas été vraiment officiellement dénoncé. Il y a bien eu la commémoration du 10 mai, mais parallèlement volonté de réécrire l'Histoire ("aspects positifs de la colonisation"). Exploitation de la peur de l'autre. Montée des intégrismes de tous bords : défendre la laïcité et l'école publique. Quelles propositions ?

La discrimination et un problème hyper-complexe, un faisceau d'éléments. Soulignons que pour l'école certains enseignants des ZEP font un travail remarquable ! Il faut s'interroger sur la carte scolaire qui aboutit à des écoles-ghettos, pourquoi la mixité sociale est-elle bloquée ? C'est pareil pour le logement, alors que certains offices d'HLM montrent beaucoup de bonnes volontés. Comment également recréer le lien social ?

Le travail sur les mots est important (même si c'est un travail de fourmi au quotidien); par exemple, dénoncer les confusions entre origine sociale et origine ethnique. Il y a beaucoup de délinquance chez les jeunes issus des quartiers (et non de l'immigration).
A côté du regain de racisme, on a aujourd'hui à Paris une manif pour la peine de mort ...

Le modèle français explose. Le projet de loi CESEDA considère les immigrés comme de la main d'oeuvre, voire des outils ! Il faut mettre nos concitoyens en face du problème, on a envie d'une autre France, celle de la solidarité et de l'égalité des droits (pas de la préférence nationale).

Propositions : mixité sociale, vote des étrangers ; et puis être nous-mêmes très exigeants et stricts (contrairement aux enseignants qui dérogent à la carte scolaire pour leurs enfants). Recréer du lien social, remobiliser l'esprit collectif des gens, créer des associations, par exemple autour de l'école.
Le péril principal, c'est le racisme, pas le communautarisme ! Attention à ce que ce ne soit pas un prétexte à interdire des orgas ! Soutenir les étrangers en danger d'expulsion (avec Réseau Education Sans Frontière, entre autres). On a demandé l'indulgence pour les jeunes condamnés lors des mobilisations anti-CPE, mais pour les inculpés des émeutes, on n'a rien fait ! Remettre l'accent sur la communauté d'intérêts entre tous les travailleurs.

M. Mustapha Kharmoudi : N'ignorons pas l'extériorité du public du FSL par rapport aux émeutes. La révolte des jeunes, leur discours, ne "rentrent" plus dans les cadres des partis, des syndicats, parce qu'on n'arrive plus à se projeter, à voir l'avenir dans un an. Les jeunes des quartiers se sentent seuls ; ils pourraient être parrainés, par exemple pour les accompagner et réclamer suite à une situation de discrimination. N'ayant plus de lien avec ces jeunes, nous ne pouvons pas les aider à se projeter dans l'avenir. Ils sont dans une grande souffrance.

Envisager des parrainages de jeunes par des cadres (retraités ou au chômage) qui les accompagneraient quelques mois dans leur recherche d'emploi.

Il ne s'agit pas "d'accueillir toute la misère du monde" ! Rappelons que les pays riches n'accueillent que 5 à 10 % des migrants !

Pour l'école, il faudrait mettre en ZEP les enseignants les plus expérimentés (ce qui ne serait pas évident, syndicalement ...). Nous avons intégré des acquis, on ne veut pas les remettre en cause, même si ça aggrave la situation.

Les partis et les syndicats doivent se remettre en cause : pourquoi ne représentent-ils pas toute la société ? On commence à faire attention au nombre de femmes, pas encore au nombre de personnes issues de l'immigration.
La discrimination "positive" serait-elle un passage obligé (comme la parité hommes/femmes) pour réduire les inégalités ?

Le collectif SOS Refoulement effectue aussi un travail de fourmi, qui se situe bien dans une démarche d'accompagnement. Ne rien lâcher, protester systématiquement, à chaque dérapage écrire au préfet, informer la presse, passer à la radio.

Le communautarisme : cela recouvre des réalités très diverses. Il y a quand même des limites (par ex, les mariages forcés).

Envisager une grande campagne d'information par rapport au projet de loi CESEDA et à la situation des étrangers expulsables (avec UCIJ), pour faire baisser les 75 % de Français favorables à ce projet (si l'on en croit les sondages ...).

L'incendie du Parlement de Bretagne par des agriculteurs en colère a coûté plus cher que les émeutes ! Quel média en a parlé ?
Solution : écoles communautaristes de formation professionnelle ? S'entraider entre discriminés ? Les communautés ne sont pas (ou ne doivent pas être) exclusives.

Conclusion :

Lutter contre l'amalgame quartiers-immigration.
Le caractère multiethnique de la société ne doit plus être nié.
Importance des collectifs : réseau de lutte anti-CESEDA, RESF : rassembler au lieu d'opposer (jeunes / vieux ; Français / étrangers ; etc).

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