Le FSL 21 en 2006

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Conférences - automne 2006

1- "Novembre 2005 : Quand les banlieues brûlent. Fait divers ou malaise social ?"

En novembre 2005, 280 communes ont été touchées par une vague d'émeutes d'une ampleur sans précédent dans l'histoire contemporaine de la France. Un an après, les questions continuent de se poser aux citoyens : S'agissait-il de simples faits divers, provoqués par des jeunes plus ou moins instrumentalisés ? Ou de la manifestation d'un malaise social si profond qu'il n'est pas parvenu à s'exprimer autrement que par la violence ?

Invités par un Groupe de Travail du Forum Social Local (Egalité des Droits et Lutte contre les discriminations) et le Collectif de Résistance à la Délation, Laurent Mucchielli et Véronique Le Goaziou, sociologues qui ont coordonné l'ouvrage "Quand les banlieues brûlent", ont présenté leur double point de vue, lors d'une conférence-débat qui a eu lieu le lundi 13 novembre 2006, au Théâtre de la Fontaine d'Ouche à Dijon.

Points développés par les sociologues :

(se reporter à l'ouvrage collectif "Quand les banlieues brûlent" ; ces points sont juste résumés ici)

Mucchielli

Laurent Mucchielli : Face à l'interrogation "Quel sens donner à ces révoltes ?", il y a plusieurs théories écrans qui ferment le débat :
1- L'émeute n'est qu'une forme de délinquance : théorie de la criminalisation des émeutes, des mouvements sociaux, alors même que des institutions de l'état (RG, DST, magistrats) le réfutent.
2- Les émeutiers sont des écervelés.
3- Ils ne sont qu'une petite partie opposée aux autres. Opposer les bons et les mauvais, alors que tous subissent la police, l'échec scolaire, le chômage, le statut fait globalement aux jeunes issus de l'immigration.
4- image négative renvoyée en permanence

Véronique Le Goaziou

Véronique Le Goaziou a étudié les déclarations des personnalités politiques ; elle note :
1- une réaction épidermique par rapport à la violence : tous la condamnent
2- le silence des extrêmes
3- un vide politique
4- la mise en cause (plus marginale) des modes de vie des personnes issues de l'immigration.

Débats :

Interventions de la salle :
- On est tous d'accord pour faire des reproches au gouvernement, mais on a tous aussi en nous une part de "racisme intégré", se rappeler par exemple l'affaire des foulards islamiques.
- D'un côté une France imaginaire, une image (celle des problèmes ethniques) véhiculée par les politiques ; de l'autre, la France réelle confrontée aux problèmes sociaux.
- Si on considère que les émeutes sont une sorte de tradition française (1789, etc), les émeutes de novembre 2005 ne seraient-elles pas un signe d'intégration ?
- Témoignage d'un militant PC qui a participé à la rédaction d'un communiqué dénonçant les violences faites aux jeunes émeutiers et qui s'est vu reprocher de prendre parti pour des délinquants ...
- Évoquer la place des syndicats et des entreprises ; eux aussi sont restés plutôt silencieux ...
- Printemps 2005 : mouvement lycéen durement réprimé ; 200 mobilisations anti-CPE. Est-ce que tout cela ne s'inscrit pas dans la continuité, dans une militarisation des rapports sociaux qui se limiteraient alors à des rapports de force.
- Un élu du quartier de la Fontaine d'Ouche souhaite qu'on mette en avant la diversité de "l'extrême gauche" et non qu'on fasse un amalgame. Il faut parler du travail de terrain au quotidien, qui cherche à redonner de l'espoir aux gens. La politique de la vile n'existe plus. Problème des subventions aux associations qui diminuent (vont-elles disparaître ?) et mettent en péril l'existence même de ces associations.
- La sociologie fournit des analyses, aux instances politiques de fournir des solutions. La bourgeoisie choisit de vouloir garder le contrôle de la société coûte que coûte ; on assiste à un nettoyage, non pas ethnique, mais social. On fait dévier les problèmes vers le culturel pour masquer le social.

Public

Réponses des sociologues :
Méthodologiquement, Véronique Le Goaziou a choisi de n'étudier que les réactions politiques officielles à l'échelon national. Mais le travail de terrain, laissé de côté pour l'étude, est fondamental ! Il existe des différences entre les gens de terrain et les gens des appareils. Les problèmes de terrain devraient concerner toute la société, et donc tous les élus, pas seulement ceux de certains quartiers. On encense les gens de terrain, mais on ne les "paie" pas, on ne les forme pas, on ne les reconnaît pas. Un travail de synthèse lisse toujours les nuances. Beaucoup d'élus communistes se sentent perdus, la situation leur échappe. "Aidez-nous à donner du sens à tout ça." Travail d'information et d'analyse absolument nécessaire avant de chercher des solutions. Il faut partir d'un diagnostic socio-politique commun (mais on l'a de moins en moins). Le regard sur les quartiers a évolué, il n'est plus celui de la bienveillance qui parlait d'injustice sociale et économique pour chercher des solutions.
Une première proposition serait de (re)donner une représentation politique aux quartiers. Cela passerait forcément par une réforme des modes de scrutin et le droit de vote des étrangers. Le PC, comme d'autres partis, a raté deux rendez-vous historiques : avec les ouvriers immigrés (non intégrés dans les partis), et avec les gens qui sont hors du travail. On ne peut pas nier ce constat, tout en reconnaissant la bonne volonté des élus et de leurs déclarations.
Quand va-t-on reconnaître que la société est multiculturelle ? Nécessité de refonder un consensus politique et social. On est en droit d'attendre ça des forces de gauche.

Public

Interventions de la salle :
- Dans les zones rurales, le chômage des jeunes est également très important. Les syndicats devraient prendre en compte les problèmes spécifiques des jeunes issus de l'immigration, tout en les reliant aux autres travailleurs, en recréant du lien.
Diam's "C'est pas l'école qui m'a dicté mes codes, non, non" : Quels cadres et outils pour mutualiser les codes à l'école et ailleurs, et avancer pour que la société soit plus juste et plus solidaire ?
- Merci pour vos analyses, elles serviront aux syndicats et associations pour travailler et chercher des solutions. L'école contribue aussi à construire, à renforcer les inégalités sociales, il faut lutter contre cela. Autres "théories-écrans" : celles du socle commun et de l'apprentissage junior !
- La République "une et indivisible", c'est fini ! Les aspects normatifs de la société sont à interroger (école, santé ...). Des outils existent mais parfois manque le courage politique. La carte scolaire montre davantage une volonté de cloisonner les quartiers que celle de les faire vivre ensemble ...
- Des actions ont lieu pour lutter contre les discriminations, à l'embauche, par exemple (Conseil Régional, ...).
- Débat sur la laïcité : on veut que tous les élèves soient égaux. Peut-on aborder tous les enfants de la même façon ? Pourquoi séparer travail social et pédagogique ?

Réponses des sociologues :
L'école, comme toutes les institutions, a un côté "citadelle assiégée" avec des règles très rigides. Pour les enseignants, il n'est pas facile de travailler autrement. Il y a un mythe selon lequel les enfants seraient des sortes de pâtes molles qu'il faut traiter toutes de la même manière : finalement on arrive à l'inverse du but égalitaire recherché. Trop d'évaluations, et trop vite ! Les enfants arrivent inégaux, nécessité "d'égalitariser" très tôt, en "mettant le paquet" dès l'arrivée.

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Saïd Bouamama

2- "Quelles violences dans les quartiers populaires ?"

Conférence avec Saïd Bouamama le 7 décembre 2006, à l'ENESAD.

Dans un article intitulé "La révolte des quartiers populaires : un révélateur de l'ordre des dominations", Saïd Bouamama écrivait :
"La "révolte" des quartiers populaires de novembre 2005 a surpris de nombreux observateurs par son ampleur, sa durée, ses cibles et la rapidité de son extension à l'échelle nationale. Plusieurs caractéristiques de cette révolte soulignent qu'un seuil qualitatif est désormais dépassé, tant en terme de dégradation de la situation matérielle et économique des habitants qui y vivent, qu'en terme de prise de conscience. Que cette prise de conscience soit embryonnaire, éparpillée, inégale d'un quartier à l'autre, sans perspective formalisée et formulée, etc., ne change pas le constat. Pourtant une nouvelle fois ces mutations semblent avoir été négligées par l'essentiel des forces politiques, syndicales et associatives. Une véritable déconnexion semble ainsi s'installer entre une partie importante de la jeunesse des milieux populaires d'une part et les expressions classiques du monde populaire."
Saïd Bouamama est sociologue, il a publié : Vingt ans de marche des beurs ; De la galère à la citoyenneté ; J'y suis, j'y vote ; L'affaire du foulard islamique, ou la production d'un racisme respectable ...

Intervention de Saïd Bouamama

On assiste actuellement à la division de personnes qui devraient s'unir, et à la réunion de personnes qui devraient se diviser. C'est pourquoi j'ai apprécié d'être invité par un FSL, et donc par plusieurs organisations qui travaillent ensemble. Mais de nombreux mouvements altermondialistes sous-estiment les questions des jeunes et de l'immigration. En novembre-décembre 2005, 400 quartiers ont été impliqués, ce qui est incomparable avec les explosions urbaines des années précédentes.
En préambule, rappelons que "les mots sont importants", pas neutres : "événements" renvoie à quelque chose d'instantané, avec des manipulateurs derrière ; "émeutes" serait quelque chose d'organisé, de structuré, sans conscience politique derrière, quelque chose de destructeur, uniquement ; "banlieues" renvoie à quelque chose de particulier, de circonscrit géographiquement, on caractérise une population par sa situation géographique, et non sa classe sociale. (N'oublions pas que Neuilly est une banlieue !) Ces 400 quartiers populaires ont les habitants les plus paupérisés, les plus précarisés. Le peuple de ce pays aujourd'hui est composé des habitants de ces quartiers, il faut appeler cette réalité sociale par son nom.

Pourquoi une telle ampleur des violences de novembre 2005 ?
De telles violences n'avaient jamais duré aussi longtemps depuis au moins 40 ans. Mais c'était tout à fait prévisible depuis 15 ans. Des observateurs avaient noté le degré de délabrement, de paupérisation de ces quartiers.
En voici le processus :

1- Précarisation : On passe de la figure du travailleur stable à celle du travailleur précaire. C'est un prolétariat nouveau qui pour vendre sa force de travail accepte n'importe quelles conditions. Dans la segmentation du marché du travail précaire, la population issue de l'immigration occupe une place particulière : il y a en moyenne 14 ans entre la sortie du système scolaire et le premier emploi stable ! Il y a donc des différences au niveau de la construction de l'identité, du rapport au politique (contestations, revendications) avec ceux qui ont un emploi stable.
Monde du travail :
travailleurs stables : peuvent faire des projets à 10 ans, des emprunts ...
"précaires blancs" : certains sont racistes, dans la "concurrence des pauvres"
précaires issus de l'immigration
Le monde devient de plus en plus instable; la solidarité fait place au "chacun pour soi", à la disparition du lien social. La syndicalisation est en déclin (précarité qui pèse, peur des "stables"). Le discours des politiques met en avant l'intégrisme, le terrorisme, la laïcité en danger ... et fait donc croire à l'évidence d'un problème avec les immigrés. Il n'y a pas de montée de l'insécurité, mais du sentiment d'insécurité, avec dans les médias, la pléthore d'annonces de délinquance, violences de tous ordres, alors que celles-ci ne sont pas plus fréquentes qu'auparavant. La médiatisation des faits divers a produit de la peur. "Racaille", tournantes, inceste ... ne se produisent pas que là ! Ces quartiers sont présentés comme le lieu de la décomposition.
Montée aussi du sentiment d'isolement : il faut augmenter le lien social, diffuser de la solidarité. Dans les années 60-70, on parlait des banlieues rouges, on était fier d'y habiter. Aujourd'hui, la solidarité est toujours forte dans ces quartiers (en particulier, initiatives autour du sport), les zones "sensibles" sont très vivantes !

2- Ghettoïsation : ce n'est pas propre à ces quartiers. Ce sont les autres catégories de populations qui ont fui ! Qui vit "entre soi" ? Qui met ses enfants à l'école "entre soi" ?
Communautarisme des "riches" : quel média parle de celui-là ? Les classes moyennes essaient d'éviter la mixité. Deux mondes s'ignorent, frontières invisibles mais qui créent , chez les jeunes des quartiers, un sentiment d'enfermement, d'humiliation. Ceux qui paient les dégâts de la ghettoïsation en sont considérés comme les responsables ! Cf Bourdieu : le mécanisme de domination inverse les causes et les conséquences.
Phénomène nouveau : compréhension des parents et des jeunes qui n'ont pas participé aux violences. Eux aussi souffrent du regard qu'on porte sur eux, des rapports avec la police, surtout s'ils sortent de "leur zone". Du coup, certains jeunes ne sortent plus du quartier !
Service civil volontaire (qui d'ailleurs est un bluff complet, une invention sociale) : mais quel service la société rend-elle aux jeunes ??

3- Ethnicisation : On a l'habitude d'expliquer la situation (médias, politiques) comme un phénomène culturel et non social, depuis 20 ou 30 ans. Tout est toujours soi-disant culturel pour cacher les vraies causes qui sont, elles, sociales. Le rapport Benisti relie la délinquance et l'échec scolaire à la langue parlée à la maison ! C'est le même mensonge que la prétendue "culture féminine" ! Si c'est culturel, on ne se pose plus la question du social. Le système social peut se dédouaner (et l'école aussi, par la même occasion). Prenons le foulard islamique : si c'était la culture, les mères l'auraient porté.

La société de consommation produit l'envie, un modèle auquel on voudrait se conformer. On se sent stigmatisé, rejeté. On a un retournement du stigmate : le dominé se réapproprie l'image que le dominant a de lui : hors, sur toutes les chaînes, on nous montre des jeunes violents.
Depuis 30 ans, toutes les inégalités sociales sont traitées ainsi. La négation de la souffrance sociale provoque la révolte "animale". Cette révolte couve tant que rien ne change. On a une génération qui s'est socialisée au hard discount alors que la télé montre la consommation à tout va. "Nous ne voulons pas vivre ce qu'ont vécu nos grands frères !" (Saïd Bouamama est un des fondateurs des marches pour l'égalité en 83). "On nous traite comme des esclaves, on se révolte comme des animaux .» Ces discours sont déjà porteurs d'une conscience politique. Ils savent que ce n'est pas la bonne solution. Mais ils n'ont pas d'autre canal d'expression. Le monde militant, qui pouvait apporter des perspectives, a déserté les quartiers. Un dominé se révolte ; s'il n'a pas de canal disponible, il est logique que ça explose. Voir l'évolution Martin Luther King – Malcom X – Black Panthers. Si ça continue, les révoltes vont réexploser. Les grands frères étaient dans l'autodestruction par les drogues : ne vaut-il pas mieux brûler des voitures que se brûler soi-même ? La génération actuelle va mieux : elle est déjà dans l'expression de la colère, voire dans la revendication.

Pourquoi ces révoltes se sont-elles étendues aussi rapidement ?
Lorsque la dégradation atteint un seuil qualitatif, la violence "subie" entraîne la violence "active". Les jeunes de tous les quartiers ont eu le sentiment d'une communauté de destin avec les morts de Clichy ("Ça aurait pu être moi"), ce qui a entraîné la propagation de la révolte. La destruction des symboles de la présence publique (de l'état) est une demande d'état, pour attirer l'attention de l'état dans ces quartiers abandonnés par les services publics. Mon quartier est abandonné, désertifié. "L 'égalité est inaccessible, alors je réemprunte un signe du passé" (le foulard). La voiture est un symbole de déplacement, en contradiction avec la ghettoïsation, dans laquelle on se sent assigné à une place. Dissonance TV – internet – mobilité – mondialisation et enfermement dans le quartier.

Que s'est-il passé après novembre 2005 ?
Il y a eu soif de débattre dans les quartiers : beaucoup de rencontres, de discussions, de demandes d'espaces pour pouvoir exprimer, expliquer, sortir de l'isolement, du sentiment d'impuissance à se faire entendre comme Français à part entière, contrairement à leurs parents qui pensaient être ici "de passage" et espéraient retourner au pays, donc pas de revendications politiques chez eux . Ils ne veulent pas être comme leurs parents, ni même comme leurs grands frères qui oubliaient leur mal être dans la drogue. Soif de comprendre aussi, sans aucun discours de condamnation, contrairement aux médias et aux politiques. Beaucoup d'inscriptions sur les listes électorales.
Le gouvernement a rajouté à la précarisation l'humiliation de la domination et de l'exploitation + irrespect de la police et discriminations racistes. Les argumentations pour tenter d'expliquer renvoient à du mépris :
La mafia ? Elle a plutôt intérêt à la paix sociale.
Les réseaux intégristes ? Deux imams se sont fait caillasser (pour la première fois depuis 15 ans). Sarkozy veut instrumentaliser l'islam : ça ne marche plus.
Mimétisme ? Toutes les émeutes depuis 15 ans ont été largement médiatisées sans se propager.
Polygamie ? 15 000 cas en France.
Niveau du débat : !!! L'humiliation continue !
Cette question a été sous-estimée par les antilibéraux.

Les jeunes issus de l'immigration en provenance des anciennes colonies ont entre 3 et 8 fois moins de chance de trouver un emploi que les "Français de souche", à qualification égale. Leurs parents avaient une protection psychologique "Je suis un étranger, je ne suis pas chez moi". Leurs enfants sont Français, ils ont un sentiment d'illégitimité chez eux, de négation, ce qui entraîne une grande fragilité, un peu comme pour les juifs Français à qui Pétain avait retiré la nationalité.
Une mobilisation forte contre les discriminations racistes est absolument nécessaire. Les milieux populaires issus de l'immigration et les altermondialistes doivent se reconnecter. Pendant ces révoltes, on aurait pu imaginer de grandes manifestations partant des centres villes vers les quartiers "Votre révolte, c'est aussi la nôtre" ...

La salle, en partie

Débats :

Interventions de la salle :
- Crise de confiance par rapport au politique : comment refaire le lien ?
- Cette prise de conscience va déboucher sur quelque chose. En tant que militants, on voudrait construire à nouveau : comment ?

Saïd Bouamama : Cette jeunesse a compris beaucoup de choses ; elle est désabusée, n'ayant ni canal d'expression, ni alternative. "On a compris, vous ne nous aurez plus." Trois axes de travail :
Créer des espaces de débats et de théorisation pour qu'ils construisent leur compréhension. Quand on met en mots les blessures, on souffre déjà moins.
Sortir de l'isolement et de l'insécurité subjective (on se méfie des autres, dans les quartiers aussi).
Se remettre à gagner des choses, donner de l'espoir social. Il n'y a pas de petite lutte. Créer des dynamiques autour de l'apprentissage du politique, même pour un droit, un espace. On n'a rien gagné depuis 30 ans : sentiment d'impuissance. Investir la dimension politique, en allant par exemple perturber les meetings électoraux.
Dans les années 80, l'association Mémoire fertile comportait 150 collectifs locaux ; c'était l'association la plus représentative, mais la moins médiatisée ! Il faut s'interroger sur le "succès" de SOS Racisme qui n'a jamais été présent dans les quartiers, et n'a jamais "embêté"les politiques. On a propulsé des associations caritatives pour empêcher l'émergence de structures revendicatives. Actuellement, il y a des mouvements qui convergent : AC le feu, Motivés, Indigènes, etc. Une dynamique semble se mettre en place.

Interventions de la salle :
- Les filles se révolteraient moins, travailleraient davantage pour s'en sortir ...
- Non, nous (les filles) nous révoltons aussi ; pas beaucoup de possibilités de s'en sortir ... Malaise quand on va se promener au centre ville.
- Milieu rural : montée hallucinante du racisme depuis 2005. Quelles répercussions dans les dom-tom ? C'est le même sentiment, alors qu'on est Français depuis de nombreuses générations. Discriminations pour l'accès au logement.
- L'école ne valorise pas assez les (autres) cultures d'origine.
- Violence des garçons : la vie des hommes n'est pas aussi facile qu'on le croit ...
- Cercle vicieux : discrimination – humiliation – rejet . Les Antillais sont traités de la même façon que les étrangers arrivés plus récemment. Comment avoir une histoire commune en France ? Être Français, qu'est-ce que c'est ?

SB : La société française s'est construite dans la destruction des altérités (régionales également). Invention de la France = mythe d'unicité culturelle. L'état-nation est la négation de la diversité culturelle. Jules Ferry parlait du devoir de civilisation des peuples inférieurs pour justifier la colonisation. Les Anglais n'ont jamais tenté de changer la religion, la langue, la culture. Pour eux, coloniser = piller. En France on a une idéologie de la civilisation : l'assimilation se cache derrière le mot intégration. Ce mot est "vomi" par les jeunes. (tee-shirt "Va te faire intégrer" !) Les parents pensaient rentrer au pays un jour, et donc mettaient des choses importantes entre parenthèses. C'est le syndrome djellaba : ils ne s'estimaient pas chez eux, donc cachaient leurs différences. Demander aun carré musulman au cimetière, c'est un symbole fort d'intégration, interprété comme son exact inverse ! Car cela casse le mythe d'homogénéité culturelle. Culture ouvrière qu'on veut nier. Rapport à la langue et à la culture françaises : héritage d'un colonialisme offensif. La décolonisation des imaginaires reste à réaliser, il est des images de l'arabe et du noir qui ont été véhiculées pendant longtemps. 130 ans de colonisation, ça laisse des traces ! Héritage à déconstruire. Les filles seraient plus facilement "intégrables", du coup les garçons en bavent davantage. Les féministes issues de l'immigration luttent contre la domination des hommes de leur communauté, et aussi contre la domination de la société sur ces hommes.
Images coloniales : des garçons dangereux ; une élite indigène à promouvoir ; des femmes à émanciper malgré elles. Remarque : NPNS n'a pas ancrage dans les quartiers. Il n'y a pas plus de tournantes qu'avant, mais une mise en scène des médias.
Foulard : la loi a profondément divisé les enseignants qui quelques mois auparavant se battaient pour l'école ! Les Français des dom-tom ont été indigénéisés au sens colonial du terme. "issus de l'immigration" est une expression nécessaire pour traduire la différence de traitement, cette oppression spécifique, tant qu'elle existera. Spécificité de l'immigration venant des anciennes colonies. Pour les immigrés européens, la discrimination s'est arrêtée après la première génération.

Interventions de la salle :
- Solutions que vous préconisez : à long terme. Et dans l'urgence, que faire ?
- Inquiétude : messages orientés des médias qui concourent à la montée du racisme et de l'extrême-droite.
- Vous parlez de la spécificité de la situation des populations issues de la colonisation : cela ne participe-t-il pas du coup à l'ethnicisation des problèmes ?
- On a tendance à oublier les personnes de la première génération : elles connaissent aussi des difficultés importantes.

SB : Il faut articuler les questions de classes sociales, de l'égalité hommes-femmes et de l'égalité contre les discriminations. Certains ont intérêt à réactiver les images coloniales, à segmenter la société pour occulter d'autres problèmes. Attention aux pièges. Exemple des chartes de la diversité dans des entreprises : la photo du personnel est à comparer à l'organigramme !
Articuler diversité et égalité, république et démocratie. C'est la démocratie qui est menacée aujourd'hui, pas la république (et ses valeurs). Mais le mot démocratie est de moins en moins employé. Urgence : être dans tous les combats immédiats, en particulier pour les échéances électorales, dans les collectifs et associations pour créer des contre-pouvoirs.
Les médias et leurs messages implicites : au 20h, on peut chronométrer les sujets qui font peur ! Les références à une certaine population sont très explicites ... Les personnes un peu isolées socialement se replient sur cette peur. La peur empêche de voir celui qui me ressemble, elle empêche les mouvements de protestation.
Le droit de vote des étrangers : scandale de cette première génération en train de mourir sans avoir jamais voté alors qu'elle a contribué à construire ce pays ! Une des premières revendications des jeunes de 14 ans (selon AC le feu) était la dignité : comment je peux être citoyen si mes parents ne sont que des esclaves ?
Pour les indemnités des anciens combattants, rien n'est réglé ! Les arriérés ne seront pas payés, et cela ne concerne pas les ayant-droits (les veuves). Les vieux immigrés meurent en moyenne huit ans avant les "Français de souche". La pauvreté des veuves est aussi scandaleuse ! Leur fin de vie est catastrophique. Ces milliers de vieilles femmes constituent un vrai problème social.

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